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Eh bien voilà, c'est fini. De manière surprenante, nous n'avons parcouru que 1900 km en tout et pour tout, en comptant uniquement les déplacements de ville à ville. Nous avons pourtant passé un nombre incalculable d'heures dans la voiture... mais à ne jamais dépasser les 50km/h.

 

 



 

Malgré tout ce que ce voyage nous a fait endurer (quelques sites évitables et deux touristas pour moi), on serait bien restés quelques jours de plus. A l'origine, nous prévoyions d'aller à Varanasi, beaucoup plus à l'est, mais le timing était trop court, les temps de transport sont un réel problème ici, que l'on utilise une voiture comme on l'a fait, un train ou un bus. La circulation en Inde est une vraie calamité : trafic engorgé, routes dans un état souvent lamentable, code de la route apocalyptique, il faut vraiment vouloir/devoir bouger. Delhi est la ville la plus polluée au monde en particules fines. Pas étonnant que beaucoup d'Indiens et de touristes (asiatiques, mais pas que) se couvrent la bouche en ville. L'air est effectivement irrespirable dans certains endroits.

Je pense pouvoir parler en nos deux noms en affirmant que l'Inde est un pays extrême, aussi magnifique que terrible, où l'on fait constamment le grand écart en les plus belles découvertes culturelles et naturelles et les conditions d'hygiène et de vie les plus sordides au monde, je pense. Mais rien n'égale la gentillesse (souvent intéressée, il est vrai) des Indiens. 

A aucun moment on ne s'est sentis en danger, même noyés dans la foule au fin fond d'un bazar pouilleux et grouillant, exposant sans cesse notre matériel photo à des gens qui avaient à peine de quoi s'habiller. Les gens vous dévisagent, oui, c'est normal, nous sommes différents et venons de pays qu'ils ne découvriront jamais, mais dès qu'on leur adresse un sourire, on en reçoit souvent mille en retour, quand ce ne sont pas eux qui engagent la conversation directement. Beaucoup d'enfants ont le réflexe de saluer, beaucoup de jeunes, garçons ou filles, celui de venir se faire photographier avec nous (ou même sans nous : un grand mystère pour Olivier). 

 

LE CODE

 

La clé, c'est le code. Quand on évalue les élèves en classe en langue étrangère, l'un des critères s'intitule "maîtrise du code de la langue": il s'agit de considérer le degré de maîtrise des connaissances grammaticales, lexicales. Sans ce code, sans la connaissance de ces règles, la communication devient difficile, voire impossible.

J'ai réalisé un truc tout bête, pendant ce voyage. Si évident que je n'en avais pas pris conscience auparavant : le code n'est pas uniquement un critère d'évaluation éducative. Les codes régissent notre société, nos vies. Si tu ne connais pas le code dans telle situation, lecteur, si tu ne sais pas différencier les comportements sociaux acceptés de ceux uniquement tolérés, ou interdits, ton voyage devient alors une bataille de chaque instant. Nous en avons fait l'expérience quotidiennement.

A commencer par ce dodelinage de tête, qui pose problème au premier abord. Les codes se confondent : chez nous, en latéral, c'est "non". Chez eux, c'est l'inverse. Sans ce code, combien de photos aurions-nous manquées ? Nous avions ce geste de la tête à chaque demande.

Les représentations aussi sont différentes. Pour un guide, j'avais une barbe et un crâne de maharaja (ainsi que son porte-monnaie, je pense). Pour d'autres enfants des rues à Agra, j'ai été Ali-Baba toute une après-midi.

L'hygiène est aux antipodes de nos codes français, à commencer par le papier toilette et la fameuse douchette qui le remplace. Tout le monde se nettoie la bouche et crache de longs jets dans la rue et il est naturel et même bien vu de roter après le repas, signe que les mets ont été appréciés. Hier soir, j'ai pris un médicament donné par Sunoo pour mes maux de ventre. Un sachet à diluer dans un verre d'eau, au citron. Lorsque j'ai versé la poudre, elle s'est instantanément mise à mousser comme si j'avais mis une dizaine de comprimés effervescents et a pris une couleur vert fluo. J'ai vraiment hésité avant de la boire. Montre en main 5 minutes après, je me sentais beaucoup mieux. L'aspect ne correspondait pas avec ce que je connaissais d'une substance qui guérit dans "mon code", et l'hésitation a été forte un moment.

Le code de la route est inexistant. En soi, son inexistence même est un code également, car pointe-toi en voiture à Delhi, lecteur intrépide, et je te défie de trouver un conducteur qui respecte une priorité à droite! Et tu ne resteras pas une journée en vie non plus si tu es le seul à le respecter.

Sans connaître le code religieux, on se fait refouler à l'entrée des temples car on n'est pas habillé correctement ou pieds nus. Sans code social, on ébouriffe la tête d'un enfant adorable qui nous salue, et c'est signe de malchance pour lui, on mange de la main gauche, acte impur, ou l'on croit les trois quarts des jeunes hommes indiens homosexuels parce qu'ils se tiennent la main ou marchent enlacés dans la rue.

Et que dire du code culinaire dans les restaurants ? Si on ne le connaît pas, que faire de ces petits oignons roses avec ces sauces, distribués en début de repas ? Comment déguster un repas indien sans couteau ? Et pourquoi nous apporter de l'eau chaude citronnée à la fin ? A boire ? Et ces graines d'anis, après la note, avec ce sucre en très gros grain... La liste est interminable.

Pour moi, la beauté du voyage, l'excitation qu'il génère, au-delà de la découverte de nouveaux paysages et de nouvelles personnes, provient en partie de ce code auquel on se confronte et qu'on apprend à apprivoiser jour après jour, apprenant de nouveaux mots, saluant avec le bon geste des mains (jointes en prière). Et ces connaissances, une fois mises en pratique, sont instinctivement reconnues, évaluées par les locaux et acceptées comme autant de marques de respect pour leur culture. 

Après quinze jours, nous avons une "maîtrise fragile" des codes indiens. Il nous faudrait rester plus longtemps pour "consolider nos acquis". Ce pourrait être l'objet d'un troisième périple, déjà en amorce de gestation : les grandes cités de l'Est. Varanasi, Calcutta, avant de terminer au Népal. 

L'année prochaine devrait également marquer le début d'une nouveauté : le "Voyage en Terre Inconnue". L'un de nous préparera, l'autre ne saura rien jusque dans l'avion. Idiot, mais terriblement excitant...

Merci à toi, cher lecteur, de nous avoir accompagnés en Inde. En espérant t'avoir donné l'envie de (re)découvrir ce beau pays.