Ce J1 commence, tôt, très tôt. Si tôt qu'en fait il se confond avec le J0. La nuit est plus que succinte dans l'avion. Nous dînons vers 23h et à 3h du mat re-belote, c'est le petit-déj. Nous arrivons à Mascate au lever du soleil pour découvrir une ville couleur désert, embrumée et sans aucun charme apparent, vue du ciel.



Nous montons à bord de notre second avion après une heure d'attente pour passer à l'immigration, contrôle biométrique (empreintes des deux mains) oblige. Et c'est juste au moment où nous nous approchons du bol de punch (le guichet) qu'on se rend compte qu'on n'a pas rempli cette satanée fiche d'immigration. Exfiltration de la queue, course à la carte, puis au stylo, remplissage... et on reprend la queue au départ. Heureusement que pour compenser, à Paris, nous avions fait l'enregistrement en ligne et nous sommes passé devant une petite centaine de passagers...

Nous quittons Mascate la tête vaseuse de fatigue, à bord d'un plus petit avion. Je suis au milieu de la rangée de sièges. A ma droite, Olivier, conte le hublot, et à ma gauche, un Indien de forte carure qui me fait passer de vie à trépas en un battement de bras tellement il sent la transpiration. D'accord, nous sommes tous des voyageurs, mais y'a des limites ! Et comme si ce n'était pas suffisant de l'avoir qui se frotte à moi pendant 2h, son mioche de 3 ou 4 ans assis derrière se met à brailler aux trois-quarts du vol et il ne trouve rien de mieux que de le prendre sur ses genoux, alors qu'il était derrière avec sa mère. Au bord de l'homicide, que j'étais.

 

DALI A DELHI

 

Premier couac, à l'arrivée. Je gonflais Olive à bloc depuis très longtemps : "Ouiii, tu vas voiiiir, c'est impressionnant la foule qu'il y a dehors, ils sont suuuper nombreux, j'étais halllllluciné la première fois à Chennai". Et mon père en avait remis une couche : "Ouii, tu vas voiiiir, ou plutôt sentir quand t'arrives! L'odeur est juste dé-gueu-lasse" (cet argument - faux - a le don de m'insupporter mais c'est une autre histoire).

En sortant de l'aéroport, la surprise. Pour moi : pas plus de monde qu'en France. Des gens organisés qui attendent patiemment derrière les barrières. Et pas une odeur désagréable, pas même un remugle d'urine de chien dans un coin, n'en déplaise à mon père. Quelle déception! Je suis moi-même étonné car j'avais quand même gardé en tête une odeur d'épices indéniable, où qu'on aille.

Puis je me rends compte que suite à un malentendu, je n'ai pas commandé la navette de l'hôtel. Après moultes tergiversations, nous prenons un taxi pré-payé qui nous dépose une demi-heure après au Grand Godwin Hotel, où les portiers (oui : les portiers) se jettent sur nos sacs pour les descendre, moyennant pourboire (dont on n'a absolument aucune notion du montant). Il est 16h et on n'en peux plus. Les gens, les voix, les bruits s'étirent mollement dans nos têtes comme des montres à la Dali, comme si on nous avait drogués...

Puis arrive le réceptionniste. Ceux qui me connaissent vous diront que j'ai un sens de la ressemblance assez aigü : je trouve des ressemblances avec tout le monde. Mais là, c'est surprenant. Le type ressemble au fantôme du métro dans Ghost. Celui qui apprend à Patrick Swayze comment taper dans une canette alors qu'il est lui-même un fantôme. Tu le vois, lecteur, cet acteur ? Long visage, dégarni sur le dessus et chevelu sur les côtés, les yeux tombant, assez moche voire inquiétant en fin de compte. Ben, le même !

Et voilà-t'y pas qu'en discutant, car nous avons besoin de réserver notre train pour demain soir, il nous propose une voiture avec chauffeur pour les 2 semaines à venir. Pour 5 fois plus cher que ce que les transports en commun nous auraient coûté (après calculs). Nous balayons la proposition d'une main condescendante et amusée. Il ne nous connaît pas ! Nous ? Avec un chauffeur ? Nous ? Ne nous mêlant pas à la population ? Ne courant pas après un bus avant de parvenir à y monter en catastrohe pour nous rendre compte qu'il s'agit finalement du mauvais lorsqu'il roule trop vite pour en descendre ?

Puis on récupère les miettes (du balayage) et on lui dit qu'on redescent dans une heure avec la réponse. Nous redescendons 2h après en fait (courte sieste oblige). Nous avons réfléchi : Olivier aux risques courus dans les trains, et pire, dans les bus de nuit (dixit le Routard), au rush de toujours penser au prochain transport, moi à l'opportunité d'avoir un garde-sac tous les jours, puis aussi au gain de temps, probablement... Même si cela coûte bien plus cher, nous sommes loin de même nous approcher de notre budget limite.

Ce qui me gêne le plus est le risque de passer deux semaines enfermés dans une voiture sans contact avec les Indiens comme on peut l'être dans les transports en commun. Je n'ai pas envie de faire un voyage en cage, au zoo. Ça me gêne terriblement. On a passé tellement de temps à chercher les bons horaires de bus, organiser le planning en conséquence, j'ai l'impression de perdre mon voyage d'un coup, comme si ce réceptionniste fantôme me le volait sous les yeux et qu'Olivier ne réagissait que mollement.

Lui, ça le branche bien, la voiture. Il craint ces fameux accidents de la route causés par des chauffeurs de bus dont il a lu qu'ils se droguaient pour tenir les parcours nocturnes... et surtout la perte de temps. C'est vrai qu'on va perdre beaucoup de temps à circuler, mais c'est ça, aussi, l'Inde. C'est les retards, les imprévus, les loupés, les rencontres improbables et les crises qui deviennent de si bons et inoubliables souvenirs par la suite... Soit, nous prendrons la voiture. On verra bien. Par contre, nous parvenons à un accord : la voiture, c'est que pour les grands déplacements. Dans les villes visitées, ça sera en rickshaw ou rien !

Nous redescendons, signons les papiers. Tout est inclus : les repas du chauffeur, logement, essence, assurance, imprévus mécaniques... Je croise les doigts. Nous payons une grosse moitié.

Pour l'heure, il est temps de partir au Red Fort, la grosse citadelle historique de Delhi, où est régulièrement présenté un "spectacle sons & lumières" retraçant l'histoire de la ville. Super pour la première soirée! C'es l'heure de notre premier rickshaw. Enfin, celui d'Olivier. Qui hallucine, rigole, s'esclaffe puis chouine en slalomant parmis les enchevêtrements de voitures, de motos et de rickshaws, le tout assaisonné de piétons fort imprudents. Tous les souvenirs me reviennent : la folie douce de ces villes palpitantes où le flux anarchique de véhicules fait toujours craindre le pire avant que tout s'organise comme un engrenage (souvent) bien huilé à la dernière seconde, dans une apocalypse de klaxons et alors que les gaz d'échappement vous attaquent le fond de la gorge... Ça y est, le véritable voyage est lancé, comme nous sur les avenues de Delhi à bord de ce petit bolide jaune et vert.

Le spectacle ? Comment dire... A l'intérieur de la citadelle, tout éteinte, dans un grand jardin où sont disposées des rangées de dizaines de bancs de jardins publics (y a-t'il jamais eu autant de spectateurs?), nous restons dans le noir la plus grande partie de l'heure suivante. Pour les "jeux" de lumières, les bâtiments en face de nous sont éclairés de gros spots colorés en rythme avec l'histoire crachée par les hauts-parleurs. C'est assez décevant, mais tellement indien finalement. Le retour est beaucoup plus passionnant, encore plus fou que l'aller, le chauffeur étant plus jeune. Il nous "pique" d'ailleurs au premier gars qui nous approche mais qui semble incapable de lire l'adresse de notre hôtel (c'est ce que l'on pense, après son refus).

Nous finissons la soirée à table dans un boui-boui miteux où se presse une foule d'Indiens. L'ultime critère de sélection : quelle que soit l'allure, s'il y a beaucoup de locaux, c'est que tout est relativement ok d'y manger : la nourriture est fraîchement cuisinée. Nous nous faisons expliquer la carte, nous laissons diriger sur un plat et allons nous asseoir sans commander. Tout est fait dans notre dos. Bien sûr, la myriade de jeunes serveurs (mais d'où sortent-ils ? Tous plus crasseux et mal habillés les uns que les autres, mais les visages souriants) nous porte des gobelets métalliques rapidement essuyés avec des chiffons noirâtres et détrempés - genre, ils croient qu'on va y toucher !- et une carafe d'eau qui a pourtant l'air potable. Bien sûr, le plat est divin, les naans (galettes de blé cuites au charbon et servant de pain) à tomber... Un super trou pour finir la soirée.

Quelques photos de notre rue qui semble être LA rue des hôtels - elle ressemble à s'y méprendre à ces rues commerciales de Hong-Kong illuminées de panneaux lumineux gigantesques, une invitation à danser par deux jeunes inconnus ruisselants de transpiration qui sortent d'une sorte de fête extérieure où tout le monde se trémousse sur de la pop indienne (non merci, mais je vais rejoindre mon ami pour aller manger - c'était avant le boui-boui) puis nous rentrons à l'hôtel.