Ouh que ça pique, ce matin. Le réveil sonne à 6h30 et on doit se lever rapidement pour partir voir le Taj Mahal avant l'arrivée des cohortes de touristes. A 7h, nous sommes parmi les premiers à prendre notre petit déjeuner. Le groupe de papis et mamies Basques commence aussi à arriver, mais l'âge aidant, la mise en route est plus difficile. Nous leur passons devant sans problème.

7h20, on est ready. On prend les sacs, le matériel, moi armé en plus de mon trépied pour mon timelapse du palais. Chargé comme des mules encore une fois. Nous demandons à la réception le prix d'un rickshaw jusqu'au Taj. 200 roupies. Histoire de ne pas se faire endormir dès le début de la journée. Et en sortant de l'hôtel... Snoopy est là, alors qu'on lui avait dit qu'on n'avait pas besoin de lui. Lui non plus ne lâche jamais ! Mais bon, comme nous sommes en retard, c'est peut-être aussi bien d'y aller directement en voiture.

Il nous dépose à la porte ouest et nous nous faisons instantanément assaillir par des (pseudo-)guides que nous refusons. Direction la billetterie. Première déconvenue : on me dit que mon trépied est interdit à l'intérieur. Mais comme on prend un guide assermenté, il peut nous le faire garder non loin, dans une boutique gouvernementale.

On passe le portique de sécurité. Le garde me fait signe que mon sac d'appareil photo n'est pas permis. Au secours! Le guide et moi expliquons que j'ai les objectifs à l'intérieur, je lui ouvre tout et finalement il consent à me le laisser. Par contre, mon clavier doit rester à la consigne. Mais je peux garder ma tablette. Non mais à je te jure, si c'est pas du zèle...

(Car oui, aujourd'hui, j'avais tout avec moi, comme je prévoyais de faire un timelapse de 2h, fallait bien que je m'occupe pendant ce temps : je suis en train d'écrire face au Taj à cette minute même).

 

LE TAJ MAHAL

 

La visite commence.

Le palais fut édifié par l'empereur moghol Shah Jahan, inconsolable après le décès de sa troisième femme, morte en donnant naissance à leur 14e enfant. On dit que les cheveux de l'empereur seraient devenus gris en une nuit. Les travaux débuteront la même année, en 1631 (pour repère : 7 ans avant la naissance de Louis XIV), et ne finirent qu'en 1653. Peu après, Shah Jahan fut renversé par son fils qui l'emprisonna au Fort, non loin, d'où il ne put qu'apercevoir sa création à travers une fenêtre le restant de sa vie. Il avait débuté la construction d'un second palais en face du premier, sur l'autre rive de la Yamuna, mais son emprisonnement mis fin aux travaux.

22000 ouvriers au total œuvrèrent à la réalisation de cette merveille. Ici, vraiment, le mot n'est pas galvaudé.

 



Si le palais est considéré comme l'une des sept merveilles du monde contemporain, ce n'est pas pour rien. Intégralement bâti en marbre blanc, il est construit en hauteur sur une plate-forme en marbre surélevée, pour qu'uniquement le ciel soit visible en toile de fond. Il est encadré de quatre minarets blancs de 40 m purement décoratifs. Apparemment ils ne sont pas exactement perpendiculaires pour ne pas qu'ils s'effondrent sur le mausolée en cas de séisme. Leur rectitude est plutôt importante ici car tout, absolument tout à été conçu en symétrie.

C'est un truc de malade, lecteur ébahi et envieux, j'en suis sûr : du fin fond de la toute première porte jusqu'au motif de couronne incrusté au dessus de la tombe de Mumtaz Mahal à l'intérieur du mausolée et qui ne mesure pas plus de 3 ou 4 cm de haut, tout est aligné. Une conception de fou, vraiment. De partout on peut voir la perspective. Et si à gauche du Taj, la mosquée de grès rouge est un bâtiment toujours en activité, le jawab à droite n'a jamais servi à rien d'autre que pendant symétrique (et accessoirement de "palais de repos" à l'arrivée des invités de l'empereur.)

 

 


 

La visite est super intéressante, le guide nous amène à tous les endroits sympa pour prendre des photos et se charge même souvent de les prendre lui-même lorsqu'on veut être dessus. Nous nous battons un peu avec les autres guides qui veulent aussi placer leurs clients sur le fameux banc d'où Lady Di se fit photographier (elle et bien d'autres)...

 




 

Puis nous montons sur la plate-forme pour pénétrer à l'intérieur du mausolée, chaussés de nos surchaussures en papier.

Bon. Je ne vais pas y aller par quatre chemins, lecteur : tu dois absolument visiter le Taj Mahal une fois dans ta vie. C'est indescriptible. A la façon de tous les temples ici en Inde, voire en Asie, la tombe se trouve au centre de la structure et les pélerins, visiteurs ou autres tournent autour pour rendre hommage. Dans le sens des aiguilles d'une montre, qui plus est. Le mausolée de Mumtaz n'échappe pas à la règle. La tombe que l'on voit est factice : la reine est enterrée en dessous avec son mari.

La tombe est au centre, au centre de tout littéralement. Elle est séparée du chemin circulaire par des panneaux de marbre divinement sculptés, ajourés comme de la dentelle, encore et toujours. Chaque panneau doit faire environ 1,50m de haut pour près d'1m de large, et notre guide nous précise bien que lors de la construction, les ouvriers n'avaient pas droit à l'erreur. Une seule craquelure dans les fins entrelacs et tout le panneau était à refaire. La tombe de la reine est centrale, donc, et le seul élément qui vient rompre cette symétrie parfaite est la tombe du roi, qui n'était à l'origine pas censé être enterré ici, mais dans l'autre Taj dont il avait débuté la construction avant d'être renversé. La tombe est donc à côté de celle de sa femme. Comme je le disais, une petite couronne de 3 ou 4 centimètres de haut vient orner le haut du panneau arrière, à l'exacte milieu. Je m'arrête sur cette couronne. Mon regard descend et je me retrouve au cente du panneau avec, derrière la dentelle de marbre, l'exact centre du tombeau, et derrière, le centre de la porte du mausolée. A l'arrière plan, la perspective continue : on se retrouve au centre des bassins, passant par le centre des immenses portes d'accès au palais. C'est stupéfiant.

 



 

Pour en finir avec la description, les murs, intérieurs et extérieurs sont incrustés de pierres semi-précieuses taillées en motifs floraux et arabesques. De loin, on voit des peintures. De près, on réalise l'ampleur de la tâche : le marbre a été creusé avec de petits outils à l'exacte forme du motif pensé, puis la pierre a été taillée, affinée de manière à s'insérer parfaitement. Je passe le doigt sur l'ensemble et c'est à peine si l'on sent du relief. Ces marqueteries sont fantastiques. Pour le rouge, on a utilisé du jaspe du Penjab, pour le bleu, du lapis-lazuli du Sri Lanka, l'orange est fait de corail de la Mer Rouge ou de cornaline de Perse, tandis que la malachite (vert) et la turquoise proviennent du Tibet et l'onyx (noir) de Deccan.

Le petit plus ? Lorsque le soleil ou la lune brillent, les pierres réfléchissent leur éclat et illuminent l'ensemble. Je n'ai pas de mot pour expliquer à quel point cette visite m'a vraiment bouleversé. Ce n'était pas pour rien que le Taj était en bonne position sur notre liste.

 


 

 

FLOP

 

Nous terminons la visite en demandant au guide de nous laisser dans les jardins car je vais finalement faire mon timelapse ici. Sans trépied. Le guide est d'accord et on convient d'un rendez-vous à 11h30 pour récupérer mes affaires.

Je m'installe contre la Porte Sud, sur un côté. Mon angle n'est pas mauvais même si j'aurais préféré être en hauteur. Mais ici, ce n'est pas possible. Je lance donc mon timelapse depuis l'arrière de la rampe d'accès pour handicapés et je sors ma tablette pour commencer à taper ce rapport. Je vais avoir une heure à tuer. Olive, lui, est plus loin, et trie ses photos en attendant.

Au bout de 5 minutes, un vieux vigil vient me voir et me demande d'enlever mon appareil, d'arrêter de filmer. Je lui explique ce que je fais, que je ne suis pas en train de filmer mais de faire beaucoup de photos. Un jeune type à côté de moi lui explique en hindi. Il me laisse tranquille pour l'heure. Un quart d'heure plus tard, il revient et me fait tout enlever pour de bon cette fois car des officiels sont en train de passer et en gros il a peur de se faire engueuler. Super. 20 minutes foutues en l'air. Je m'exécute.

Il me refait signe un moment après, je me réinstalle et relance une nouvelle session. 10 minutes après, un autre type arrive avec le vigil et me fait tout enlever de nouveau, tout simplement. J'essaye de discuter mais rien à faire.

Je migre donc ailleurs, la mort dans l'âme, et relance pour la deuxième fois un nouveau timelapse qui ne durera que 30 minutes du coup. Tant pis, on verra bien.

 




 

A 11h30, nous retrouvons notre guide et nous rendons dans la boutique gouvernementale pour récupérer mon trépied et mon clavier. Et accessoirement acheter toute la boutique. C'est en tout cas ce que le guide espère. Il vient de devenir rabatteur et nous montre tous les articles fabriqués "en marbre" alors que certains ne sont qu'en albâtre, preuve à l'appui apportée par un autre vendeur.

Olivier résiste comme il peut et nous quittons le site. Direction la vieille ville d'Agra.

 

LE BAZAR

 

Retour dans nos bonnes vieilles rues encombrées, engorgées, enfumées pour une séance photo de quelques heures, et manger, si l'on y pense. Aujourd'hui, ici, c'est irrespirable. C'est un capharnaüm de rickshaws, vélos, piétons, scooters, charrettes, vaches, le tout imbriqués les uns dans les autres, pétaradant, meuglant, criant, se battant même. L'air empeste non pas d'ordures, bien qu'elles soient partout autour, mais des gaz d'échappement, alors qu'aux alentours du Taj Mahal, seuls les rickshaw électriques sont autorisés. De même, on a appris que le gouvernement avait repoussé à 50 km la limite d'implantation des usines, pour limiter la pollution (le nettoyage du palais se fait tous les 20 ans en moyenne, au savon et à l'eau uniquement !).

 




Nous mangeons dans un "restaurant" boui-boui un plat chinois à la sauce indienne, c'est à dire épicé, avant qu'Olivier n'aie besoin de son dessert. [ C'est à ce moment-là que je rencontre celui qui va partager ma vie pendant les presque 3 mois suivants, jusqu'à la fin du moi de mai - au moment où je publie ces lignes, le 2 juin, je ne suis toujours pas sûr et certain de m'en être débarrassé : mon parasite, Giardia Intestinalis. Fatigue, 9à 10 de tension pendant 3 semaines car mal soigné par un incompétent... que du bonheur, lecteur ! Mais refermons la parenthèse .]

 



 

La pâtisserie que nous avons croisée plus tôt fera l'affaire. Olivier y reste une petite dizaine de minutes, à se dépatouiller avec le vendeur qui est en train de lui revendre son fond de commerce. Il se tourne de temps en temps vers moi, le regard vacillant. Je l'aiderais bien, mais je suis en train de le photographier en train de se dépatouiller avec le vendeur qui est en train de lui revendre son fond de commerce. Il me fait rire. L'autre lui remplit une boîte à gâteau de pâtisseries individuelles et Olive n'ose pas dire non... et ressort avec un peu plus de 300g de douceurs indiennes dans les mains, l'air coupable mais heureux.

 

 

 

Puis nous partons pour le Fort que nous avons prévu de visiter. En chemin, on se perd de vue pendant une vingtaine de minutes, histoire de faire monter un peu la pression...

 

LE FORT

 

Visite sympa également, avec audio-guides cette fois. Le fort est fait de grès rouge et a peu ou proue les même caractéristiques défensives que ceux déjà visités (entrée en angle droit, portes à piques anti-éléphants). Sur les terrasses, nous avons une vue imprenable de l'arrière du Taj Mahal (identique à l'avant) avec la Yamuna (ou se qu'il en reste car elle est bien sèche, Yamuna) serpentant au premier plan.

 





Le clou de la visite : la salle des audiences publiques, encore et toujours extravagante dans la taille et la conception. Il faut s'imaginer une vaste terrasse couverte dont le toit est soutenu de 40 colonnes reliées en arches orientales entre elles. Au centre du mur du fond, une grande niche creusée en hauteur dans laquelle le sultan prenait place pour écouter ses sujets. Devant, au sol, une plateforme en marbre légèrement surélevée destinée au premier ministre. De la niche, 2 fois par an, à l'occasion de ses deux anniversaires (ouais, un sultan, ça avait 2 annifs : un pour le soleil et un pour la lune), on le pesait 4 fois : en métaux précieux, en pièces, en habits et en nourriture, en affinant le résultat à chaque pesée. Le poids final était converti en valeur monétaire et l'argent distribué au peuple.

 




 

Nous finissons la visite vers 17h et des brouettes. Retour au bercail en rickshaw. Une douche s'impose.

 

SOIR

 

Nous décidons que nous n'allons pas rester nous encroûter aussi tôt pour une des dernières soirées en Inde et partons en quête d'un bon restaurant. La quête nous amène sur le lit à potasser nos guides respectifs. Un seul établissement est notifié par les deux guides. On doit pouvoir y aller les yeux fermés (c'est une image à ne pas mettre en pratique, surtout en Inde).

Nous sautons dans un rickshaw après lui avoir chanté la même rengaine : "Combien pour aller au Dasaprakash ?

- 100 roupies.

- 100 roupies !? A l'hôtel, on nous a dit que c'était 50 !

- ... . 80?

- ... Bon ok, 80."

C'est juste pour le sport. Faut pas leur faire croire qu'ils sont les boss autrement, ils te mangent tout cru, pauvre lecteur!

Nous arrivons à l'adresse indiquée et voyons un panneau pour le Dasaprakash, mais pas de resto, et un autre resto avec un autre nom. C'est bizarre. C'est pourtant la bonne adresse. Nous rentrons dans le resto, nous asseyons et quelque chose ne va pas. On n'est pas dans le bon. La description de nos guides ne "match" pas avec ce qu'on voit. Je demande au serveur qui nous apporte les cartes le nom du restaurant. Il hésite une micro-seconde et nous donne un autre nom que celui qu'on attend. Air faussement surpris (actor studio) : "Ce n'est pas le Dasaprakash? Mince, je suis confus, on a une réservation au Dasa..." on prend nos cliques et nos claques et on se barre.

Finalement, le Dasaprakash se trouve au premier étage d'un bâtiment qui ressemble à un couloir d'hôtel. Aucune autre indication. Mais à l'intérieur, il est en tout point conforme à nos guides. Et la cuisine est plutôt bonne. Je tente un plat d'Inde du sud : une dosa. Une grande crêpe épaisse à se fourrer soi-même avec des pommes de terre massala (= "aux herbes et épices". Pas mauvais du tout.

Retour digestif à pied. On est à 1km, faut pas pousser Mémé dans les orties.

Demain, c'est grasse matinée. J'ai envoyé un sms à Snoopy qu'il ne nous attende pas avant 9h30. + 3h de route pour revenir à Delhi, on arrivera en début d'après-midi. Assez de temps pour faire peut-être une dernière visite mais surtout finir les derniers achats. Il faut que je refasse mon stock de thé et d'épices. Et si on peut trouver des cartes postales, ça serait cool. On est quand même la veille du départ.