Réveil à 7h comme annoncé par nos accompagnateurs. Juste à temps pour voir le lever du soleil (nous avions contemplé son coucher hier soir également). C'est beau. Mais ça ne règle pas mon état.

Fiévreux, je ne touche à rien de la table du petit déjeuner. Vers 9h, les tentes sont pliées, la cuisine nomade avec les bouteilles de gaz est installée sur la charrette, les deux dromadaires restants sont attelés et je suis soudainement prix d'une indicible joie de ne pas avoir à faire le retour à dos de ces bestioles.


La jeep est là pour nous ramener. Conclusion de la sortie : mouais. Le cadre n'est vraiment pas exceptionnel, mais les moments passés en soirée valaient quand même le coup, même si Olive se sent un peu frustré de ne pas avoir pu prendre part à toutes les conversations, faute d'aisance en anglais (même s'il s'est bien mieux débrouillé qu'il ne le dit).

Retour chez Vijay, nous payons, échangeons les adresses mails et les sites de photos avec le couple de Bavarois, les saluons et remontons dans notre voiture. Sunoo (c'est son nom), notre chauffeur, est déjà là, nous offrant toujours la même poker face. On n'arrive jamais à savoir ce qu'il pense, s'il est triste, heureux, sérieux... On sait qu'il aurait préféré nous coller ses adresses d'hôtel, mais bon, va falloir faire avec.

Tiens, ce matin, c'est Olive qui ne va pas super bien. Il a... mal à l'estomac. Le diagnostique se confirme. Moi, je n'ai plus rien dans le ventre depuis 4h du matin, donc ça va un peu mieux, même si je me sens faible.

Nous passons les 4h suivantes affalés à l'arrière de la Tata Indigo de Sunoo, dans les affres de la douleur et/ou de la fatigue. Nous rejoingnons Jodhpur. Mais avant, à une vingtaine de kilomètres de Bikaner, détour vers le Karni Mata, le Temple des rats.

 

LE TEMPLE DES RATS

 

Peut-être pas forcément la meilleure destination dans notre état, mais le planning, c'est le planning !

Karni Mata, qui a laissé son nom au temple, fut à l'origine de plusieurs miracles au cours de son existence, en particulier d'avoir pu ressusciter son fils, noyé. Elle décréta alors que tous les membres de sa famille ne mourraient plus mais se réincarneraient en kaba (rats).

 



Le temple ne grouille pas à proprement parler de rats, mais ils sont quand même très, très nombreux. Ils ont même une "cage" où ils se retrouvent et boivent dans de grandes écuelles de lait. Un troquet à rats, en somme. L'odeur est assez nauséabonde, les prêtres et les pélerins leur donnent constamment à manger. Le sol est délavé à grandes eaux jaunâtres, ce qui n'est pas forcément très agréable, parce que, oui, j'avais oublié : comme dans tout bon temple hindou, il faut se déchausser pour entrer. Mais en même temps, voir un kaba courir sur tes pieds, lecteur, est signe de bon augure. Choisi ton camps.


La sensation du sol humide avec tous ces rats autour n'est pas des plus agréables mais lorsqu'on ne reste que sur les zones ensoleillées, ça sèche vite! Bon mise à part la curiosité des rats, le temple en lui-même n'a absolument rien d'exceptionnel architecturalement. Au centre, une pièce à laquelle on accède en traversant une sorte d'atrium sordide aux effluves nauséabondes, entre les rats au sol et les pigeons qui nichent et fientent sur le plafond grillagé. A l'intérieur, les pélerins s'entassent pour faire leurs dévotions (prières, offrandes aux rats dans une niche sombre) avant de taper dans une cloche qui pend du plafond.

 

Nous ressortons une petite heure après (Sunoo nous dira "you stay many many time in temple" - ben ouais, on y resté longtemps, "et alors?" j'ai envie de dire), récupérons nos chaussures et retournons à la voiture pour nous sanytoler les pieds à grans renforts de lingettes désinfectantes.

 

JODHPUR

 

En cours de route, je mange quand même la banane que j'ai gardée de ce matin, car la faim se fait sentir. Ca va un peu mieux, merci, mais je vais quand même rester à l'écart des plats bien lourds encore quelques temps.

En arrivant à Jodhpur, c'est l'ébaillement. La ville s'est développée à partir du 15e siècle autour d'une crête rocheuse sur laquelle fut érigée une énorme forteresse, Mehrangarh. La bâtisse semble surgir du roc et surplombe fièrement la vieille ville, qui s'étend tout autour en une multitude de maisons en forme de cubes bleus de différentes tailles. Ce n'est pas pour rien qu'on la surnomme Jodhpur la Bleue.

Alors, oui, mais pourquoi donc cette couleur bleue, me diras-tu, curieux lecteur ? Eh bien parce que traditionnellement, c'est la couleur des maisons de brahmanes, la caste religieuse la plus élevée dans la société, et aussi parce qu'elle repousse les insectes.

 

Pour l'heure, notre chauffeur nous dépose à trois ruelles de notre haveli pour les 2 prochaines nuits, pour la bonne et simple raison qu'il ne peut pas aller plus loin, les ruelles étant si étroites. Nous finissons donc à pied avec deux gars qui nous escortent (dont on ne sais pas d'où ils sortent). Deux minutes plus tard, nous sommes à destination. On remplit les documents usuels, on monte au 2e et on découvre notre chambre : toute neuve et étincellante, des éclairages à faire pâlir Versailles (12 points de lumière pour à peine 10 m2 !), c'est magnifique. Surtout cette pierre couleur chocolat qui réchauffe l'ensemble. Même le lit est en pierre ! Une agréable surprise.

Après une petite heure de repos, nous nous attaquons aux ruelles alentours, en faisant deux équipes. L'atmosphère est indescriptible : chaque maison est ouverte sur l'extérieur, même si la chaleur n'est pas étouffante, on sent des odeurs de cuisine ici et là, qui se mêlent malheureusement à ces effluves putrides de poubelles à l'air libre. En quittant le haveli, nous voyons dans une petite charrette une chienne qui dort sur des sacs poubelle; au retour, elle sera presque complètement recouverte de détritus!

Après la découverte de ces ruelles médiévales biscornues aux maisons bleues, aux grand-mères assises quelque soit leur âge dans des positions impossibles, comme si de rien n'était, et qui se laissent volontiers photographier sans décocher un sourire, je me dirige vers le Sardar Market, un marché extérieur situé autour de la Tour de l'horloge, le repère quasi-incontournable de la vieille ville, à deux pas.

 

Ici, c'est le vrai voyage tel que je l'attendais : ça marche, ça parlemente, ça achète, les enfants viennent me voir et me demandent comment je m'appelle ou simplement me disent bonjour, sans demander d'argent, la vie pulse tout autour de moi, dans un mélange de voix, de klaxons, de rires, les vélos, les rickshaws, les voitures et les camions, les couleurs, les senteurs, tout se bouscule, se croise et s'entrecroise, c'est étourdissant mais fantastique!

Les vendeuses de saris me tombent dessus dès que j'ai le malheur de m'arrêter devant elles, j'y passe 10 minutes et finis par en acheter un à ramener, et ça piaille et ça déplie tout ce qui est devant et même lorsque je me suis écarté pour repartir, je les entends me héler de loin.

 

Retrouvailles avec Pentax, parti de son côté, puis nous rentrons à l'hôtel. Direction le toit-terrasse avec sa vue imprenable sur le fort et la vieille ville, c'est encore et toujours magnifique, surtout maintenant que le soleil s'est couché et que les lumières s'allument.

Nous décidons de "tenter" de manger ce soir. Je n'ai qu'une banane dans l'estomac depuis 24 heures, ça fait long. Nous choississons un menu qui se veut light et prenons la table la mieux placée. Nous sommes apparemment les seuls clients. Le haveli n'a ouvert qu'il y a un mois et le patron nous confie que nous sommes les 8e. Y'a pas foule. Il est aux petits soins pour nous, avec son employé népalais qui ne parle pas trop mal anglais. Un "ami" arrive alors que nous commençons à manger et aspirons à être seuls, pour nous vanter une visite de la ville pour demain et bla-bla-bla. On lui dit qu'on verra et il s'en va.

Nous mangeons donc avec la ville devant nous, surplombés par le piton rocheux et son imposante forteresse. Enchanteur.

C'est de ces remparts demain que nous nous jetterons dans le vide.