Alors là, mes amis, quelle aventure !

Une journée comme beaucoup aimerait en vivre! De l'art, du sport, du fun et des coups de soleil!

Mais commençons par le commencement.

D'abord la nuit. Quelle p... de bonne nuit, dans un lit dans une chambre à la bonne température, sans rien régurgiter comme un troupeau de dromadaires même si le repas de la veille, quoique tout à fait normal, fut un peu difficile à digérer vu mon état gastrique chancelant. Bref, on se réveille en forme.

Petit déj sur le toit terrasse où notre Népalais favori vient nous servir un repas simple (continental : comme chez nous) mais c'est tout ce que j'attends pour l'instant.



Nous sommes prêts à affronter la ville et la chaleur vers 10h30. Les sacs et matériel photo au garde-à-vous, nous prenons la direction du Fort Mehrangarh qui nous surveille du haut de son piton rocheux depuis notre arrivée. Le Népalais nous dit qu'il y a une demi-heure de marche. Le patron, plus bas, lorsqu'il nous indique la direction du distributeur le plus proche, nous donne 15 minutes pour y arriver. C'est tout droit (un concept assez difficile à saisir ici lorsqu'on voit la concentration et l'enchevêtrement des maisons et des ruelles dans la vieille Jodhpur).

D'abord, c'est retrait d'argent. Même en roupies, ça file vite ! Pendant qu'Olive tapote le clavier de la machine, je poireaute dehors. Un homme sans âge tout vêtu de blanc (tunique et pantalon) et d'un turban rouge s'arrête à mon niveau et me sourit. J'ai toujours eu beaucoup de chance. Il me baragouine quelque chose en je-ne-sais-quoi (hindi?) en dodelinant de la tête comme les Indiens savent si bien le faire, me tend un main et de l'autre un carnet à souche. Puis il sort un stylo de sa barbe (non, je plaisante : de sa poche, mais c'est moins exotique) et me fait comprendre qu'il attend que je fasse quelque chose pour que lui puisse remplir une feuille de son carnet. Du coin de l'oeil, je surveille Pentax qui met un temps infini à retirer ces pauvres roupies pendant que le gars continue à me parler d'une voix très douce, bougeant la tête de chaque côté, le stylo et le carnet dans les mains.

Je lui fais comprendre que justement, je ne comprends pas. Mais il continue. Je souris, me couds la bouche en signes, fais non de la tête, pleure, crie, hurle et lui, il dodeline doucement, avec sa voix chantante et son sourire mielleux et son carnet qui me sussure à l'oreille "donne-lui des roupies qu'il écrive ton nom sur moi" je ne sais plus où je suis tout tourne mais que m'arrive-t'il il me parle je l'entends je ne comprends plus où suis-je sa barbe bouge sa voix m'enveloppe ça sent l'opium comprends pas roupies au secours, soudain, Olivier a besoin d'aide et me tire de l'envoûtement dans lequel j'étais plongé par ce Kaa de malheur. Je m'éclipse rapidement en redoublant de sourires. Fiou, je l'ai échappé belle.

La montée vers le fort est pittoresque, traversant la vieille Jodhpur en zigzags. Les gens sourient, des enfants nous saluent ou viennent simplement nous toucher. Que des sourires, partout, alors que de la musique poussée à fond s'échappe de plusieurs endroits simultanément et résonne sur les murs bleus décrépis, je suis déjà aux anges (tout en prenant soin néanmoins de regarder où je mets les pieds, l'enfer n'est pas loin).

 


MEHRANGARH

 

L'entrée de la forteresse est bloquée. Les visiteurs doivent passer par une vigile indienne qui fouille chaque sac alors que les touristes doivent passer sous un portique de sécurité... qui ne cesse de bipper sans affoler personne. De toute façon il n'y a qu'elle ici. Je la vois mal nous faire un mawashigeri coup de pied circulaire avec son sari.

La visite se fait avec un audio-guide en français et une trentaine de pistes qui nous amèneront jusque dans le centre du musée, retraçant l'histoire et les histoires de ce fort majestueux qui ne fut jamais pris. Sa position géographique est évidemmment exceptionnelle, mais les concepteurs multiplièrent les entraves visant à garder l'ennemi hors des murs : des portes hautes comme le ciel, des entrées en angles droits pour casser la charge des éléphants - oui, en Inde, les béliers font doucement rire - et dans l'éventualité où ils essayeraient de s'échiner à défoncer les portes, celles-ci étaient hérissées de piques acérées.


Taillée dans le roc, la forteresse s'élève à plus de 120 m au-dessus des toits de la ville, entourée de remparts mesurant entre 6 et 36 m de hauteur. Elle est la propriété des descendants du Maharaja de Jodhpur, qui vivent désormais dans le très chic et richissime palais d'Umaid Bhawan, à à peine 3 km à vol d'oiseau et que l'on voit du haut des remparts. L'histoire des maharajas, de ceux qui y ont régné sans partage à ceux qui ont tenté de prendre Mehrangarh sans jamais y parvenir, imprègne littéralement les murs de pierre rouge. Littéralement car on peut y voir, moulées et peintes en vermillon, les petites empreintes de main des veuves de maharajas qui devaient s'immoler sur le bûcher pour accompagner la crémation de leur défunt mari. Les dernières à vivre ce "sati" périrent en 1843. Pas si loin, finalement.

Le clou du spectacle, entre autres pièces d'armurerie ou de decorum, réside dans le palais lui-même, dont les murs de pierre sont tellement ciselés qu'ils ressemblent à de la dentelle. Une manière utile de créer des ouvertures aérées qui protègent du soleil et cachent la vue intérieure. Un incroyable palais de dentelles. Nous passons également des sabres de maharajas, des palanquins (ouverts pour les hommes, fermés pour les femmes), des howdah (sortes de palaquins aussi, mais portés par les éléphants), l'ancienne chambre à coucher d'un maharaja qui avait 30 épouses et d'innombrables concubines...

 

La journée est fantastique de découvertes et d'émerveillement. On touche aux contes exotiques de maharajas aux mille favorites repoussant des légions entières, coiffés de turbans aux fils d'or et de pierres précieuses, des contes peuplés de riches marchands, de pauvres enfants, de sabres cruels et étincelants, d'étoffes si légères qu'elles se confondent avec l'air, d'armées d'éléphants faisant trembler le monde sur leur passage, de musique de sitar ou de vînâ entêtante, de jungle et de tigres... Rudyard Kipling et Mowgli ne sont pas loin.

Fiou, ça m'a tout chamboulé, cette histoire...


  

LE RENARD VOLANT

 

13h30, nous nous rendons chez Flyingfox, une petite agence qui se trouve dans le fort et qui gère un parcours de 6 tyroliennes au départ des remparts. Un truc super sympa et original à ne pas louper si un jour tu vas à Jodhpur, cher lecteur.

Les instructeurs nous arnachent, puis nous font asseoir à l'extérieur en attendant l'heure du départ et les autres clients qui arrivent. Notre groupe sera composé de 22 personnes de tous âges et nationalités. Equipé de ma GoPro en frontale, je suis prêt à affronter les glissades vertigineuses.

Les tyroliennes s'enchaînent doucement, le temps de faire passer tout le monde, encadrés par un instructeur en premier pour la réception et l'autre pour attacher chacun d'entre nous au câble. La première ligne passe droit au-dessus des remparts et longe la ville, c'est vraiment une super sensation de voir Jodhpur sous cet angle. Les suivantes seront soit plus courtes, soit plus longues, mais principalement au-dessus du parc national jouxtant la forteresse, survolant des retenues d'eau et offrant des points de vue de malade à chaque instant. Une expérience géniale. La dernière ligne, qui nous ramène au point de départ moins quelques mètres, logique de la chute des corps oblige, est fantastique : 300 m de chute contrôlée face au Fort avec la Ville Bleue sur le côté. Gé-nial.

 


 

RETOUR

 

Nous finissons la visite par une expédition sur les remparts non sans être passés par le resto-snack du musée car Pentax crie famine (il est 16h et nous n'avons pas pensé à manger avant!). Je me force à avaler un sandwich club fort goûteux, pendant qu'Olive teste de petites fritures jodhpuri un peu trop épicées pour lui.


17h00, fermeture du fort et d'un autre temple que nous n'aurons du coup pas le temps de visiter. Nous regagnons la vieille ville pour faire un ultime voyage au Sardar Market. Je croise le jeune et pauvre mendiant avec sa petite fille qui m'avait talonné hier en faisant l'aumône et que j'avais ignoré, par peur d'être assailli si l'on me voyait donner un billet. Il me fait son dodelinement de tête, les yeux bas, et même s'il a vraiment un beau visage, on sent une certaine lassitude, le poids de cette accablante misère. Cette fois-ci, tant pis. Autant je ne donne que rarement en France, et j'en ai parfois honte, autant là, je ne règlerai pas le problème de pauvreté en Inde, ni même pour lui et sa famille uniquement, mais je ne peux pas le regarder et me regarder par la suite, avec tout mon matériel photo et mon voyage à l'étranger et tout ce qui fait qu'on est si éloignés l'un de l'autre. Je lui glisse un billet dans la main et il me sourit.

 

Nous poursuivons le tour. Tiens des saris. La petite vendeuse est sympa mais ne parle que 2 mots d'anglais, c'est difficile. Elle tient à m'en déplier pleins et j'en achète un autre, pour moi, cette fois. Enfin : pour chez moi, je veux dire... Puis un rabatteur nous alpague en français et je le suis, comme un pigeon. Mais il a dit le mot magique : épices. Je ne résiste pas. On me fait entrer dans une boutique ouverte, goûter des saveurs de thés et des épices irrésistibles et on me les vend à prix d'or. Bah, c'est de bonne guerre. Mais je vais me faire des thés à tomber, au retour.

La nuit est tombée. Le marché aux légumes bat son plein, ça hurle, ça harangue de partout, dans tous les sens. Les carottes sont étranges : très longues et quasiment rouges. Puis dans l'ordre : nous achetons 1kg de mangues, je me fais violemment bousculer par une vache qui voulait passer par où je me trouvais, la conne, rendant un papi à vélo hilare, le con, et je me demande si je vais trouver un coiffeur qui pourra me raser la tête... mais à la tondeuse électrique, certainement pas au rasoir.

 

21h, notre Népalais préféré nous appelle dans la chambre pour nous demander si on a mangé ou pas. Ca fait pas si longtemps, j'ai pas faim. Et mon estomac est de nouveau en vrac depuis cet après-midi. Une demi-heure et on y va. Je prends à contre-coeur une soupe au citron et à la coriandre, très bonne, et (j'aurais dû m'arrêter là) un plat de riz aux légumes. En temps normal, je l'aurai adoré, mais là, la moindre cuillérée me donne presque des hauts-le-coeur. Je me force pour ne pas tout laisser, le type est resté plus longtemps pour nous, ils font tout pour nous satisfaire depuis hier... J'espère néanmoins passer une nuit sans interruption. Olive, lui, n'a pas "une grande faim" non plus et termine à moitié son thali (un plateau qui contient tout le repas, avec moultes sauces à tremper, chapatis, naans et autres riz et chutneys). Tu m'étonnes.

Le cuistot-manager népalais vient nous faire la causette en fin de repas, juste au moment où je reviens des toilettes (je t'ai dit, lecteur, que j'étais malade) et regrette que je me sois fait escroquer pour mes épices. J'aurais dû lui en parler avant! Ben tiens, fallait le dire, mon ami!

Et maintenant, c'est extinction des feux. Pentax s'achève sur 3 mangues pendant que Nikon, ton serviteur, mets le point final à ce rapport. Il reste encore les sacs à faire car nous partons demain à 9h. Et j'ai une séance photos avant le petit déj, lever du soleil oblige...