Une nuit sympathique malgré un cadre quelque peu basique. Nous nous réveillons entiers, aucune piqûre d'aucune sorte, nos sacs toujours avec nous. Les toilettes fuient toujours quand on tire la chasse, personne ne nous a changé les bouteilles vides pour les remplacer par des pleines pendant la nuit, c'est bien la même pension.

 



Toilette de chat car pas de serviette - on fera mieux ce soir - puis nous filons apporter nos gros sacs à Sunoo qui nous a donné rendez-vous là où il nous a déposés hier à 8h45. C'est quand même bien, une voiture... Il nous redonne rendez-vous toujours au même endroit pour repartir. A 14h. Non mais n'importe quoi, il craque Sunoopy. On n'est pas venus pour passer des vacances en Tata Indigo, eh! On marchande et on obtient royalement un 16h, que nous convertissons instantanément en 16h30 dès qu'on est repartis.

Oui, on est comme ça, nous. On est contre l'ordre établi. De purs rebelles.

Nous revenons à la pension et prenons un petit déjeuner insipide avec un serveur tout aussi insipide, incompréhensible, infoutu de nous apporter des serviettes à 2 reprises et qui oublie notre omelette. Bref, on passe.

 

 

LE CITY PALACE

 

En quittant la pension, nous retrouvons l'employé francophone qui nous a accueillis hier et proposé de nous servir de guide (qu'il est officiellement, aussi) pour la visite du City Palace. Nous acceptons. C'est quand même mieux un guide qu'un audio-guide. Un peu comme la voiture par rapport au bus, dans un voyage en Inde.

Nous prenons donc la direction du Palais avec lui. La visite commence même dans les vieilles rues d'Udaipur, qu'il nous décrit brièvement.

Et nous pénétrons dans le Palais, créé en 1559 par le maharana Udai Singh (maharana = un roi guerrier, au dessus d'un maharaja), qui fut également à l'origine de la ville (Udai-pur, la ville d'Udai). Ah oui, et tant que j'y pense : nous sommes au Rajasthan, "la Terre des Rois". Voilà pour la culture G.

De l'extérieur, le Palais a un charme romantique fou : bâti de granit et de marbre, au bord du lac, plein ouest, il s'élève fièrement à 30 mètres au-dessus de la ville pour une longueur de 250 m et projette une blancheur orangée sur les eaux bleues-vertes (mais pas limpides) du lac au soleil couchant.

 

 



A l'intérieur, c'est un invraisemblable enchevêtrement de patios, cours et courettes, couloirs, salles et escaliers, un dédale de jardins, d'alcôves et de petits salons. Les marches des escaliers sont irrégulières ? C'est normal. C'est pour freiner la progression d'éventuels ennemis, tout comme la bassesse des linteaux de portes. Des cours sont ornées de centaines de petits miroirs qui, en plus de décorer richement le lieu, permettaient de réfléchir efficacement la lumière des bougies lors des manifestations diverses. Des balcons à ne plus savoir quoi en faire, pour permettre aux femmes d'assister à toute réunion ou tout spectacle donnés au palais sans être vues, derrière leur moucharabieh (système de ventilation en panneaux ajourés qui permettent de voir sans être vu, comme ceux qu'on a vus à Mehrangarh).

 

Nous passons une heure et demie très intéressante. Le guide ne parle pas trop mal français, nous laisse du temps pour les photos, nous raconte des anecdotes, comme l'histoire de ce bassin d'une seule pièce de marbre qui doit faire 1,5m de côté, monté dans le palais (lui-même bâti sur une colline) à dos d'éléphant probablement. Il ne servait qu'à être rempli de pièces d'argent lors du couronnement du nouveau maharana qui en jetait une partie au peuple réuni sous la fenêtre! On apprend aussi que le grand-père du maharana actuel était invalide et a fait installer un ascenseur dans le palais 2 ans après l'arrivée de l'électricité à Udaipur en 1932. Son fauteuil roulant est d'ailleurs exposé.

 

BATEAUX

 

Nous le quittons vers 12h30. Pour l'heure, avant de faire que que ce soit d'autre, nous avons besoin de boire. Nous sommes aussi desséchés qu'un parchemin. Tiens, ça tombe bien, y'a une boutique de carnets en cuir, vierges. Les couvertures sont en cuir véritable, fait main et le papier à l'intérieur est aussi fait main. Beau travail. Mais surtout, surtout... j'ai toujours voulu avoir un livre/carnet de notes, quelque chose sur quoi écrire. Ca fait routard, baroudeur, Indiana Jones... tout ce qu'on est, dans l'âme (dans notre voiture avec chauffeur).

 


Nous y restons 20 bonnes minutes. Olivier commence sa liste de cadeaux. On marchande le prix mais j'ai un novice avec moi, il n'ose pas trop et l'autre sent sa faiblesse et tel un rapace sur une souris pique sur lui et conclut la transaction sans qu'Olive n'ait le temps de réagir. Cela ne me laisse pas dans une bonne position. J'ai déjà moins de marche de manoeuvre : je n'achète que deux carnets alors qu'Olive en a pris 4. Mais le résultat sera honnête finalement, même si je pense que j'aurais pu faire mieux. Je suis en chauffe. Je n'ai pas encore pu exprimer tout mon potentiel.

Nous n'avons toujours pas mangé et le soleil tape comme un fou aujourd'hui. Bonjour les coups de soleil. Mais nous n'avons pas le temps de nous restaurer : à cause de cette bêtise de carnets de cuir, l'heure file et il ne nous reste que 15 minutes pour acheter un ticket afin d'aller faire un tour de lac en bateau et nous faire déposer sur Jag Mandir, surnommée l'Ile de la Joie (ou du Plaisir) car elle fut aménagée pour que le Maharana et son épouse puisse s'y éclipser seuls ou en famille quand ils le désiraient. A cause d'un couple de Chinois qui ne pipent pas un mot d'anglais indien, nous manquons rater le bateau mais obtenons à la course les deux dernières places de ce créneau (un départ toutes les heures seulement).

Maintenant converti en lieu de réception, le mini-palais de marbre et de stuc posé sur cette île est un ensemble de petits jardins, de cours décorées de fines tourelles, de kiosques et de balcons ciselés. On y trouve désormais un bar et un restaurant, très chers pour un standard indien, mais dans nos cordes pour nous même si la nourriture est finalement très simple. Le cadre, lui, se veut très chic. Olive a finalement son lassi à la rose tandis que je teste un soda indien à la limonade, purée de mangues vertes et épices... pas gégène parce que sucré ET salé. Quelle drôle d'idée, tout de même. Mais il fallait tenter. C'est fait. N'en parlons plus.

 

 

Nous passons une petite heure à prendre des photos, essayant de se frayer une vue dégagée au milieu des touristes qui veulent prendre leurs photos également. Et les touristes indiens sont les pires !

Petit tour aux jardins et il est déjà l'heure de repartir. Sunoo nous attends à 16h et il est 15h45 lorsqu'on accoste, à un petit kilomètre de ruelles embouteillées de là. On est large.

 


Nous croisons le chemin de singes, au détour d'un parc. Photos. Je manque me faire attaquer par l'un d'eux, qui grimace et me montre les dents par deux fois, ma bonne dame, avant de s'asseoir et s'attaquer au contenu d'une poubelle de rue, ce qui me donne l'opportunité de me rapprocher au maximum de mon courage sans le déranger afin de faire un selfie avec lui.

 

GANESH... A SEC !

 

Bon, pas très heureux ce titre, mais laisse-moi te conter une bien belle histoire, cher lecteur. C'est l'histoire de Ganesh, dieu de la Sagesse et de la Prospérité, et fils du dieu Shiva. Un jour que son père rentrait de voyage, celui-ci vit sa femme Parvati avec un jeune homme, sans imaginer une seule seconde que son fils Ganesh pouvait avoir grandi pendant son absence. Pris de jalousie et de colère, il trancha la tête du jeune homme. Pour rattraper le cou(p), il promit à Parvati de remplacer sa tête par la tête du premier être vivant qu'il croiserait... et ce fut un éléphant. Pas top, mais bon.

Ganesh est l'un des dieux les plus populaires, invoqués lors de nouvelles entreprises, de nouveaux projets, y compris de couple pour un bébé. On en fait donc des statues. Et ces statues sont prisées, notamment comme souvenirs, par les Européens, les petits Français, vers Mérignac, Olivier, quoi.

Il bloque devant un Ganesh en bois peint, for joli au demeurant. Il le veut. Il l'aura. On rentre dans la boutique et il s'enquiert du prix. Moi, je regarde des breloques, le dos tourné. J'écoute. 5500 roupies. Eh ben l'enfoiré, il pourra partir aux Seychelles avec ça ! Olivier ne convertit pas. C'est là son pire défaut. Il se retourne vers moi et m'annonce le prix demandé. Je le regarde comme s'il m'avait insulté profusément (pour montrer à quel point ce prix est totalement in-dé-cent) et lui dis de faire baisser, c'est comme ça, ici. Olive lui dit que c'est cher, l'autre lui sort du "pièce unique", "artiste peintre" et autre patin couffin et que vraiment, il ne peux pas baisser le prix.

Je lui dis que c'est une arnaque, il faut baisser. Il faut baisser GRAVE sa race.

Olivier répond qu'il ne peut pas acheter, trop cher, l'oeil humide. Seconde erreur. Ne jamais montrer l'oeil humide. L'humidité oculaire est un aveu de faiblesse. Le vendeur lui demande alors de formuler son budget. Olive me regarde, je le regarde, il me regarde, puis je tourne la tête et mine de rien, lui souffle "500". Faut y aller à l'esbrouffe dans l'autre sens, et remonter un peu vers lui, de sorte que chacun montre qu'il fait des efforts.

En m'entendant, Olivier s'interloque. Troisième erreur. On ne s'interloque J-A-M-A-I-S devant le vendeur : après la faiblesse, le doute. C'est la porte de la caverne qu'Ali Baba vient d'ouvrir. Il me répond "ah ben non, quand même, au moins 1000!" comme si je l'avais insulté profusément.

Il va se faire mettre en pièce, l'autre, c'est un cannibal, un tigre du Bengale, un caïman, il ne va faire qu'une bouchée de Pentax, je ne peux pas voir ça. Surtout qu'il ne m'a pas écouté (ouh que j'aime pas quand il m'écoute pas).

Je sors. Le vendeur d'à côté m'alpague et commence à me proposer ses fioles de couleurs et je lui lance un regard à la Kill Bill (le fond noir, qu'une ligne de lumière ressérée sur des yeux plissés) et il plie son étal avant de partir en courant. Non je fabule, mais bon, il m'emmerde. Un drame est en train de se dérouler quasi sous ses yeux et lui veut me vendre sa came pourrie.

Je me retourne au son d'un papier journal : Ganesh se fait emballer, puis enfermer dans un sac plastique et devient la propriété d'Olivier, radieux, l'oeil sec.

"Combien? lui fais-je.

- trop fier : 2500 !"

Je l'insulte profusément. Il s'est fait piller, ravager, désosser comme il faut. Et il comprend de suite... lorsqu'il fait la conversion. Le fou : il n'avait pas converti.

Lecteur, promets-moi deux choses si jamais tu vas en Inde et que tu dois marchander :

1. Ne sois pas gentil comme lui. Bats-toi comme un diable. Sois sans coeur. Le vendeur n'en a pas. C'est un combat à mort.

2. Et avant toute chose : con... ver... ...

C'est bien, tu as compris la leçon. Je l'ai entendu dans ta tête.

 

CHITTORGARH

 

Si tu trouves ce mot incongru, moi aussi. Mais j'ai mieux : nous avons passé un patelin qui ressemblait à CHITAKROOT. Un vainqueur toutes catégories, non? Avec Chidambaram, dans un autre registre, il va me rester longtemps celui-là !

Nous arrivons à Chittorgarh vers 18h. J'ai eu le temps de taper ce rapport pendant le trajet jusqu'à maintenant.

Chittorgarh. Notre hôtel se trouve dans la zone industrielle. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour nous ça veut dire beaucoup : ça veut dire qu'on n'est pas libre, on n'peut pas manger n'importe où...

(eh oh, je t'ai perdu, lecteur, reste concentré, c'est bientôt la fin).

Il n'y a donc qu'un restaurant où aller : celui de l'hôtel. On verra bien.

La chambre est très vieillotte mais grande et propre. La déco : justement, Olivier me dit "Art Déco", moi je lui réponds "soviétique". C'est un peu la même chose, en fin de compte : un grand quart de soleil géométrique rayonne au plafond, c'est mochissime. Mais on dormira bien je pense.

...

Résultat des courses : le resto.

Planté juste à côté de l'hôtel, mais il faut quand même sortir de l'un pour aller dans l'autre, le resto est d'un glauque, oh my god. Lumière plus tamisée, tu t'entraves dans le tapis. Pas un péquin, et on y est descendus vers 20h30 (on est dans la zone industrielle d'une ville secondaire en Inde, je précise juste pour re-situer). Le serveur ne parle pas un seul mot d'anglais, ne comprend rien et nous ne comprenons absolument rien à la carte, écrite en anglais, mais pas "décrite". On n'a aucune idée de quoi commander. Pas de plat (re)connu. Je choisis la formule de secours : chinois. Pas de chowmein mais un wok de légumes, ça ira.

Y'en a pas.

Olivier demande la composition de quelques plats indiens, mais on ne comprend rien à ce qu'il nous explique donc nous prenons finalement celui qu'il nous indique comme le moins épicé. Y-a-t'il de la viande? demande-t'il. Non pas foutre ! a l'air de répondre le serveur. Ceci est un établissement respectable. Végétarien.

Bon. On choisit les boissons (eau) et une folie : une bière en apéro. Une bière à 2 parce qu'ici elles sont énormes.

Le serveur me gifle sèchement avant de me répéter que c'est un établissement respectable et qu'il n'y a donc ni viande, ni alcool.

La soirée s'annonce longue...

Bon allez, je blagasse, je blagasse : le plat était très bon, mais la partie consistante, sans être un légume car assez ferme tout de même, reste tout simplement non-identifiée à cette heure. On ne sait pas ce qu'on a mangé. Là, on va se finir sur deux mangues, en chambre. La bonne soirée à toi, lecteur.

 

Tiens, aussi, on a croisé le chemin de Gandhi à midi, à Udaipur. Tout le monde se retournait sur son passage en murmurant, c'était marrant. A part pour lui, le type, qui ronchonnait. En même temps, il le cherchait un peu...